La question se pose. Pas tant à cause de l'épidémie en soi que de sa gestion politique, de plus en plus en décalage par rapport à la situation épidémiologique. Pour revenir un court instant sur l'histoire de la Covid-19 nous sommes entrés en confinement mi-Mars avec à la clé un texte de loi instituant sur le territoire un "état d'urgence sanitaire". Si le confinement a été levé mi-Mai l'état d'urgence sanitaire, lui, ne l'a été que début Juillet. Et encore, législativement parlant il a été remplacé par des "mesures organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire", mesures qui pour la plupart étaient issues de l'état d'urgence sanitaire.
Mesure phare désormais, le port du masque par le public est l'étendard de la lutte contre le virus. En ce moment les résultats des tests montrent une hausse plus importante qu'au début de l'été - signes indéniables d'une reprise de l'épidémie - alors les politiques durcissent leur discours. Nous sommes ainsi passés de pas d'obligation du port du masque au port du masque obligatoire dans les transports en commun, puis ensuite au port du masque obligatoire dans les transports en commun et dans les lieux clos ouverts au public, puis maintenant au port du masque obligatoire dans les transports en commun, dans les lieux clos ouverts au public ainsi que dans certains espaces publics, en attendant le 1er Septembre et le port du masque obligatoire dans les transports en commun, dans les lieux clos ouverts au public, dans encore plus d'espaces publics ainsi que dans les entreprises. Ajoutons à ce tableau la "jauge" de 5 000 personnes pour tout rassemblement, qu'il soit festif ou revendicatif (décrétée avec l'état d"urgence sanitaire) et vous voyez que le port du masque est un incontournable de notre vie quotidienne. Pourtant d'autres chiffres montrent une autre réalité : le nombre de passages aux urgences, le nombre d'hospitalisations, le nombre d'admissions en réanimation - autrement dit les indicateurs liés à l'effet direct de la maladie - sont au vert depuis des semaines. Alors quoi ? Pris dans l'étau de la judiciarisation de notre société, le gouvernement cherche l'obligation de résultats bien plus que l'obligation de moyens. Quand bien même le président de la République en personne a annoncé que "le risque zéro n'existe pas"(*) les mesures de plus en plus restrictives démontrent le contraire. Pis encore, ces chiffres en trompe l'oeil vont conforter l'idée que le port du masque est la solution. L'augmentation du nombre de cas positifs dans la population jeune (19-39 ans) n'est en effet que le reflet d'une resocialisation liée à l'été et à l'envie de retrouver au moins pour un temps une vie "normale". Ainsi, il y a toutes les chances pour qu'à la rentrée ce taux de positivité régresse. Cela sera alors sûrement attribué aux décisions liées au port du masque avec à la clé un discours comme : "Les chiffres sont en baisse, preuve que le port du masque est une nécessité. Pour ne pas voir ces chiffres remonter le port du masque restera une obligation". CQFD.
Il va être difficile - pour ne pas dire impossible - d'alléger cette politique de port du masque, j'en veux pour preuve les arrêtés municipaux ou préfectoraux l'imposant. Comme je l'ai déjà expliqué dans un autre billet ces décisions sont prises sur la base d'indicateurs sanitaires dont nous n'avons aucune connaissance précise. Sans compter que l'abrogation - si abrogation il devait y avoir - serait décidé non pas sur les mêmes critères que ceux qui ont présidé à la signature de l'arrêté mais serait décidé sur des critères situés un cran territorial au-dessus : un arrêté municipal ne sera abrogé que sur la base des chiffres du département, un arrêté préfectoral ne sera abrogé que sur la base des chiffres de la région entière. Quant à la loi nationale, elle n'aura plus cours que lorsque la situation mondiale - mondiale ! - le permettra. Terrible logique. Vous ne me croyez pas ? Projetez-vous alors dans deux mois, c'est-à-dire à fin Octobre 2020. Si rien n'est fait en terme de loi toutes les mesures prises pour "organiser la sortie de l'état d'urgence sanitaire" tombent : cela veut dire plus de masque obligatoire nulle part, plus de "jauge". Vous vous rendez compte ?
Demandez-vous alors pourquoi est-ce impensable aujourd'hui, fin Août ? Réponse, c'est impensable parce que les indicateurs ne sont pas bons. Nous sommes là au coeur de ce que devrait être le débat. Si ce sont les chiffres qui décident alors nous devrions tous avoir en tête les chiffres qui permettent de sortir de cette situation. Autrement les chiffres ne veulent rien dire et quels que soient leurs valeurs en Octobre prochain il sera argué de la situation internationale - voire de l'arrivée de l'hiver - pour prolonger de quelques mois ces mesures, disons jusqu'au printemps 2021. Plus question d'indicateurs, disparus. Sont-ils toujours mauvais, pas question de retirer le masque au printemps 2021. Sont-ils bons, l'enlever reviendrait à donner prise à la maladie, donc pas question. C'est ainsi que de semaines en semaines, de mois en mois, le port du masque restera obligatoire non plus parce que l'épidémie sera toujours présente mais parce que le risque politique d'en annoncer la fin sera bien trop important. (*) je cite de mémoire
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