Les séances de questions au gouvernement de l'Assemblée Nationale sont régulièrement l'occasion de passes d'armes, d'envolées lyriques, voire de chahut quasi organisé. Mais intéressons-nous plutôt au fond, c'est-à-dire aux questions telles que les députés les posent, et à la manière d'y répondre du gouvernement. Hier, Daniel Paul a interrogé Jean-Louis Borloo sur les tarifs du gaz. Je vous livre l'échange verbal tel que vous pouvez le lire dans le compte rendu officiel, duquel je n'ai retiré que les didascalies.
M. Daniel Paul - " (...) En 2004, Nicolas Sarkozy s'était engagé à ne jamais privatiser GDF. Il n'a pas tenu parole. Son Gouvernement donne la priorité aux marchés financiers, au détriment des consommateurs et de l'intérêt du pays. Allez-vous mettre fin aux hausses du prix du gaz ? Allez-vous refuser la fin des tarifs réglementés ? Allez-vous revenir sur la privatisation de GDF ?"
M. Jean-Louis Borloo - "Oui, la France a besoin, dans la bataille cruciale qui a lieu alors que les ressources énergétiques sont si rares, d'avoir de puissants énergéticiens. C'est le sens de la fusion engagée... et nous le mènerons bien entendu à son terme. J'étais hier au forum international de l'énergie à Rome et il n'y a pas de doute que c'est le sujet du siècle, notamment les questions de la sécurité énergétique et de la croissance des coûts, due à la baisse des ressources fossiles. C'est pourquoi le Grenelle de l'environnement a prévu des investissements massifs, qui nous permettront d'améliorer notre performance énergétique et de réduire notre dépendance. C'est la bonne réponse. J'espère que vous serez au rendez-vous pour permettre à la France d'opérer sa mutation écologique, technologique et énergétique."
Que faut-il retenir de cela ? Que les questions sont simples et directes : "Allez-vous mettre fin aux hausses du prix du gaz ? Allez-vous refuser la fin des tarifs réglementés ? Allez-vous revenir sur la privatisation de GDF ?". Le ton employé, les mots choisis, le style, caractéristique d'une question de l'opposition, ne doit pas effrayer outre mesure. N'en déplaise à Jean-Louis Borloo, nous avons avec sa réponse une démonstration de langue de bois. En faisant de l'éxégèse - ce qui déjà démontre qu'il y a un sens caché à deviner derrière les mots prononcés - on a la réponse à une seule des trois questions posées : Non, le gouvernement ne reviendra pas sur la privatisation de GDF ("C'est le sens de la fusion engagée"). Pour le reste, il faut soit admettre de ne pas avoir de réponse, soit la reposer à la prochaine séance : "Allez-vous mettre fin aux hausses du prix du gaz ? Allez-vous refuser la fin des tarifs réglementés ?". On ne peut tout de même pas se contenter du "C'est la bonne réponse", prononcé comme une sentence... Je précise que je n'ai aucune sympathie pour les idées politiques de Daniel Paul, et que combattre les idéaux qu'il défend passe par des réponses franches à ses questions franches. Je regrette beaucoup que ce ne soit pas le cas à l'Assemblée Nationale.
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