Le magazine Le Point publie cette semaine un article consacré au dernier livre de Jérôme Fourquet, "l'archipel français". Coïncidence, l'aspect le plus discuté du livre est celui relatif aux prénoms, sujet que j'ai déjà traité ici même mais sous un angle disons, plus léger. Du coup - chose rare - le lecteur que je suis a les moyens de vérifier les calculs et assertions de l'analyste à l'IFOP et - chose curieuse - je n'arrive pas aux mêmes conclusions. Première affirmation, "les enfants ayant un prénom arabo-musulman [représentent] 18% des naissances en 2016". Grâce au fichier de l'INSEE sur mon ordinateur je peux aisément vérifier cela. 18% des naissances en 2016 c'est en valeur absolue à peu près 135 000 personnes. Or, le premier prénom que l'on peut facilement qualifier "d'arabo-musulman" - Mohamed* - compte 2 383 naissances pour cette année-là. Quant au second, Rayan**, il a été donné à 1 837 garçons. Du coté des filles "arabo-musulmanes" c'est Yasmine qui arrive en tête avec 1 044 naissances en 2016. Mais tout cela mis bout à bout fait tout juste 5 000. Arriver à la conclusion que 18% des enfants ont un prénom "arabo-musulman" - c'est admettre que les 130 000 autres "arabo-musulmans" sont ventilés sur tous les autres prénoms, ce que j'avoue j'ai du mal à croire à la lecture du fichier de l'INSEE. N'oublions pas que les 36 premiers prénoms suffisent pour nommer 18% des naissances. Il y a aussi un autre écueil auquel Jérôme Fourquet a du faire face et sur lequel il n'est pas interrogé : Dans quel fichier a t-il trouvé que tel prénom était "arabo-musulman" ? Ce n'est pas à lui que je vais apprendre qu'en 2016 il a été donné 11 849 prénoms différents. A un moment ou à un autre il a donc fallu qualifier d'arabo musulman ou de non-arabo musulman chacun de ces 11 849 prénoms. Autre interrogation "qui" décide que tel prénom est arabo-musulman et tel autre ne l'est pas ? Sur la base de quel critère ?
L'autre point concerne le prénom féminin "Marie", dont Jérôme Fourquet analyse la perte de vitesse comme étant "le symptôme d'une prise de distance progressive avec le catholicisme". Certes, mais cette affirmation ne tient pas chez les garçons, où c'est actuellement "Gabriel" qui est en tête, prénom on ne peut plus catholique puisque selon la Bible Gabriel est le messager de Dieu - rien que ça - celui qui annonce à Marie qu'elle va devenir la mère de Jésus.
Il va falloir ici me répondre que "Gabriel" n'est pas choisi pour ses racines chrétiennes mais pour des raisons sociologique. Oui mais alors tout se complique car d'un coté il n'y aurait aucune relation avec la religion quand on baptise 5 878 Gabriel en 2016 et insister au contraire sur le caractère quasi militant des 2 383 Mohamed*** ? Je dois avouer ne pas comprendre.
* Il a été question récemment - toujours à partir d'un fichier INSEE - que Mohamed est maintenant le premier prénom donné en Seine-Saint-Denis. Si je ventile mathématiquement les 2 383 "Mohamed" dans les 95 départements de la métropole j'arrive à 25 "arabo-musulmans" par département... ** J'insiste sur le caractère bien compliqué de qualifier "d'arabo-musulman" tel prénom et pas un autre. *** Jérôme Fourquet ne s'étend pas sur l'écart de 1 à 3 entre le premier prénom "arabo-musulman" masculin et le premier prénom "arabo-musulman" féminin. Or il y a de quoi légitimement s'interroger sur ce paradoxe relatif. J'avancerais comme explication que le choix du prénom "arabo-musulman" est pris dans une liste bien plus étendue quand il s'agit d'une fille que quand il s'agit d'un garçon.
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