Je voudrais présenter ici mes réflexions après la libération de cette universitaire, car cette affaire Clotilde Reiss me laisse un goût d'inachevé, ne sachant pas (ou plutôt ne sachant plus) si l'Iran a emprisonné et condamné une innocente ou une espionne. Les déclarations de nos hommes politiques assurant qu'aucun geste particulier n'a été fait vers Téhéran - hors le paiement de l'amende(1) - ont hélas eu le don de jeter un trouble supplémentaire au lieu de nous rassurer sur nos capacités diplomatiques. Commençons tout de suite par l'élément clé du dossier, la note, le rapport, l'e-mail - ces différents noms ont été utilisés - à la base de l'arrestation de Clotilde Reiss. Pour moi les choses sont simples : Ou bien ce message était anodin et l'ensemble de l'affaire n'a reposé sur rien, ou bien ce message pouvait aider d'une manière ou d'une autre les services de renseignements français et cette affaire prend de suite une tournure bien différente...Je n'ai pas d'avis tranché, je note seulement ne jamais avoir lu d'article évoquant cette possibilité sur le thème "et si l'Iran avait raison ?". Je me pose d'ailleurs la question de la "classification" de cet e-mail, qui est sans doute secret-défense à l'heure actuelle. Mais si c'est pour seulement avoir raconté comment se déroulaient les manifestations je n'en vois pas l'utilité. Il suffirait d'ailleurs de rendre public ce message pour faire la démonstration que l'accusation était fausse. Dans l'affaire des infirmières bulgares retenues en Libye, je rappelle ici que c'est cet axe-là qui a été mis en avant par la défense, avec en point d'orgue le témoignage du Pr Luc Montagnier en personne, expliquant à quel point l'accusation ne reposait sur rien de concret. Rien de tout cela dans cette histoire, il me semble même - mais je suis loin d'être un spécialiste du système judiciaire iranien - que lors du procès(2) on a vu Clotilde Reiss "plaider coupable" et non pas chercher à convaincre les juges que le texte qu'elle a rédigé et envoyé n'était pas un "rapport" au sens militaire du terme. Pour aller plus loin, un journaliste qui étudierait cette affaire avec soin chercherait à savoir si Clotilde Reiss avait l'habitude d'envoyer des e-mails à l'Ambassade de France, ce peut-être là un élément intéressant du dossier. L'autre élement qui me fait réfléchir, c'est la commutation de la peine de prison en amende. Un tel revirement n'existe pas dans notre système judiciaire français. Par contre je voudrais bien savoir si c'est là un précédent ou si la justice iranienne use régulièrement de ce moyen envers ses justiciables. La réponse à cet interrogation devrait permettre d'en savoir un peu plus sur les "dessous" de cette histoire. Enfin, j'ai noté comme tout le monde les deux "libérations"(3), qui effectivement arrivent à un moment qui peut laisser croire qu'un échange est en train de se dérouler sous nos yeux. Alors, Clotilde Reiss est-elle espionne ou innocente ? Au risque de paraître lapidaire je dirais que vu de mon fauteuil, c'est du 60 / 40, faute d'éléments supplémentaires...
(1) Je ne sais pas sur quels fonds cette somme a été prélevé
(2) Je relève que certains journalistes ou commentateurs n'ont pas hésité à parler de "simulâcre" de procès, ce qui expliquerait l'attitude de Clotilde Reiss, en quelque sorte "obligée" d'avouer une faute qu'elle n'a pas commise. Mais même en ce cas et maintenant qu'elle est libre, la production du message en question devrait permettre de clore définitivement l'affaire.
(3) J'ai placé volontairement des guillemets car dans un cas c'est un refus de la France d'extrader un iranien vers les Etats-Unis et dans l'autre cas une libération de fin de peine.
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