Ou pour poser la question d’une autre manière les chiffres peuvent-ils nous aider à comprendre la situation que nous vivons ? Vaste débat. Je suis comme beaucoup à la recherche de cette vérité car je veux comprendre ce qui se passe. Sauf que je tiens beaucoup à comprendre par moi-même, ce qui explique pourquoi je cherche avant tout des sources d’information plutôt que de l’information. Dans la seconde partie de mon précédent billet j’avais expliqué qu’il y existait un écart conséquent entre les décès à Paris et ceux des les Bouches-du-Rhône. Pour en savoir plus je me suis donc penché sur l’analyse départementale des décès afin de voir s’il était possible de trouver une corrélation directe entre le taux de vaccination et la surmortalité. Il me manquait pour cela une source fiable pour récupérer les taux de vaccination département par département[1]. C'est désormais chose faite puisque l’assurance-maladie produit un tel document. Couplé au fichier Insee des décès toutes causes confondues je peux déjà produire un premier tableau fort instructif en soi : celui de la surmortalité de 2020. Je tiens à la disposition de tous le tableau en entier mais je vais me contenter de montrer ici « le haut » et « le bas ».
Premier enseignement contre-intuitif, dans quelques départements de France la pandémie de Covid-19 n’a eu aucun effet sur la mortalité. La Gironde par exemple est dans ce cas puisque la mortalité de 2020 a été inférieure à la mortalité de 2019. Attention, cela ne veut pas dire que dans ce département le virus n’a pas tué. Cela veut dire que dans ce département le virus n’a pas tué au point de faire de 2020 une année plus meurtrière que 2019. Voyons maintenant là où la pandémie a eu le plus d’effet.
Ici moins de surprise, la corrélation nombre de décès / population est flagrante. Plus un département est peuplé, plus l’épidémie y avait des chances de prospérer. Notons toutefois la présence dans ce tableau du Haut-Rhin et de la Loire, qui ont eu autant de décès en 2020 que dans les Yvelines pour une population deux fois moindre. Mais il s’agit ici de poser des bases, de donner des références pour comprendre et expliquer la suite. Car ce qui compte n’est pas tant d’analyser 2020 que 2021 et les effets réels ou supposés de la vaccination sur la mortalité. Comme annoncé au début de cet article j’ai récupéré de l’assurance-maladie les taux de vaccination au 29 Août 2021. Par contre la date des décès Insee est différente, 23 Août. Alors oui il y a officiellement un écart de 6 jours mais vous m’accorderez que les écarts générés sont assez faibles pour ne pas être pris en compte. La difficulté de l’exercice n’est pourtant pas dans la collecte des données, non. Il serait plutôt dans l’exploitation de ces mêmes données. Comment trier, que regarder ? Classons par exemple les départements par ordre décroissant de décès[2] 2020 au 23 Août.
Nous voyons que le nombre de décès à Paris et dans les Bouches-du-Rhône était quasi-identique au 23 Août 2020 (13 052 contre 13 046). A l’inverse l’écart en 2021 est conséquent : 11 671 décès dans la capitale mais 14 072 décès dans les Bouches-du-Rhône. Dès lors comment expliquer que nous passons d’un écart 6 à un écart 2 401 ? Serait-ce que les variants ont eu des effets différents selon les départements ? Pour ma part je n’hésite pas une seconde à convoquer le taux de vaccination : 71% à Paris, 57% dans les Bouches-du-Rhône[3]. Alors, serait-ce la clé ? Plus un département est vacciné et moins il y aurait de surmortalité ? Hélas ce n’est pas aussi simple et direct. Il suffit pour cela de classer les départements selon l’écart entre les décès de 2021 et ceux de 2020.
Avec « -1 381 » Paris arrive en tête du nombre de décès en moins en 2021 par rapport à 2020. Cette première place s’explique bien entendu par la population. Très peuplé, il y a fatalement plus de décès qu’ailleurs, donc des écarts plus importants y compris à la baisse. En examinant plus attentivement ce tableau nous trouvons néanmoins des départements avec à la fois des taux de vaccination faibles et une mortalité 2021 inférieure à celle de 2020. C’est par exemple le cas de la Seine-Saint-Denis qui a presque 700 décès de moins alors que le taux de vaccination de ce département est de 52%, le plus faible de la métropole. J’avancerais ici l’explication suivante : certes le taux de vaccination est faible mais comme la campagne de vaccination a d'abord concerné la population à risque (les + de 65 ans) cela a suffit pour faire reculer la mortalité de ce département. Et ce d’autant plus qu'il est l’un des plus jeunes de France, population la moins sujette aux décès Covid-19 et possédant de surcroît un faible ratio décès/population. Regardons à présent le bas du tableau
Ce qui frappe d’entrée est de constater que ce sont 3 départements de la même région qui sont en tête de ce classement, 3 départements où le taux de vaccination est inférieur à la moyenne nationale (65,1%). Vous pourriez répliquer que la présence au 4ème rang de la Gironde invalide mon raisonnement : voilà un département où l’on se vaccine beaucoup (66,8%) et qui pourtant a plus de décès en 2021 qu’en 2020. Précisément, la présence même de ce département nécessite de revenir au tout premier tableau présenté dans ce billet. On y voit que « l’effet Covid-19 » n’a eu aucune incidence dans ce département puisqu’on ne distingue pas d’écart entre les décès de 2020 et les décès de 2019. En outre, le ratio décès/population y est naturellement fort : on a rencensé 14 763 décès en 2018 pour ce département de 1 636 085 habitants soit 635 décès de plus que dans le Rhône qui possède pourtant bien plus d’habitants (1 882 578). Il est donc logique de conclure que si la Covid-19 n’a pas eu d’effet sur la mortalité de la Gironde, la vaccination contre la Covid-19 n'en montrera pas davantage. C’est aussi la preuve qu’il faut d’abord regarder les départements où la Covid-19 a été le plus meurtrier car ce sont dans ces départements que nous pouvons le mieux mesurer les effets directs de la vaccination. Construisons donc un tableau pour rechercher les départements qui bénéficient le plus - et non pas le mieux - du recul de la pandémie. Il suffit pour cela de regarder la différence qui existe entre la surmortalité de 2020 par rapport à 2019 et la surmortalité de 2021 par rapport à celle de 2020. Je reprends pour que ce soit bien clair : Faire la soustraction « décès 2020 moins décès 2019 » revient à mesurer l’effet mortifère de la pandémie de 2020. D’un autre coté, faire la soustraction « décès 2021 moins décès 2020 » c’est regarder si la campagne de vaccination aide à diminuer ou pas la mortalité. Donc, faire la différence de ces deux différences c’est mesurer l’effet réel de la vaccination sur la surmortalité.
Comment lire ce tableau ? Au 23 Août 2020 la mortalité de Paris était de +1 838 décès par rapport aux décès de 2019. Au 23 Août 2021 la mortalité de Paris était de - 1 381 décès par rapport aux décès de 2020. Différence entre ces deux chiffres, +3 219. Il y a bel et bien un gain. Pour le bas du tableau, c’est encore plus édifiant.
Au 23 Août 2020 la mortalité du Var était de -182 décès par rapport aux décès de 2019. Au 23 Août 2021 la mortalité du Var était de +1 378 décès par rapport aux décès de 2020. Différence entre les deux chiffres, -1 560. Certains lecteurs perspicaces ou autres détracteurs[4] pourraient me faire remarquer que sur les 15 départements de ce tableau 14 présentent une différence 2020 - 2019 négative ! C’est exact, c’est parce que je suis bien obligé de regarder les décès à date, autrement dit entre le 1er Janvier et le 23 Août. Dans ces départements les effets mortifères de la Covid-19 se sont fait sentir après le 23 Août 2020. Il suffit pour cela de regarder la différence en année pleine : Le Var ? +459 ; Les Alpes-Maritimes ? +545 ; L’Hérault[5]? +508. La Haute-Vienne va elle passer de -235 à +14. Mais quand bien même mon raisonnement serait faux qu’il faudrait encore expliquer pourquoi sur cette liste de 15 départements, tous sans exception présentent une mortalité 1er Janvier-23 Août 2021 supérieure à la mortalité 1er Janvier-23 Août 2020. Pour ma part mes conclusions sont les suivantes : Primo, la vaccination permet de sauver des vies, de réduire la mortalité. Secundo, la non-vaccination ne permet pas de sauver des vies, de réduire la mortalité [6]. Tertio, si les départements de Paris et de la région parisienne sont en tête de mes classements et les département du sud de la France en queue de peloton c’est parce que les appels à la vaccination comme les appels à la non-vaccination ont été respectivement entendus par les uns et par les autres. Je considère que les chiffres que j'analyse en sont la preuve. [1] Ne m’en veuillez pas de ne parler ici que des 95 départements de la métropole, Corse comprise. La pandémie en outre-mer répond à beaucoup d’autres critères que je serais bien en peine d’interpréter, d’où ma décision de les exclure de mes analyses. [2] Toujours « toutes causes confondues » [3] Ces taux de vaccination sont différents de ceux que j’ai utilisé dans mon précédent billet. Les taux retenus ici sont ceux pour un cycle complet autrement dit deux injections. Dans l’autre article je n’ai retenu que le taux « une dose ». [4] Féminin implicite comme à chaque fois sur mon blog. [5] J’ai déjà parlé du cas de la Gironde plus haut dans cet article. [6] Je note que les groupements anti-vaccin n'utilisent pas cet argument.
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