Comme promis sur ce blog, je reprend donc ma plume car je viens de voir le film "entre les murs", auréolé d'une palme d'or obtenue à l'unanimité. Il y a vraiment beaucoup de choses à dire sur ce film, mais je vais essayer de rester bref. Pour commencer c'est un très beau film, très humain, et très bien filmé. On est proche des personnages, assez pour être vraiment au milieu d'eux, "entre les murs" de l'école. Je n'ai hélas pas (encore) compris pourquoi ce film a obtenu la Palme d'Or au dernier festival de Cannes, mais sans doute me manque t-il la vision des autres films qui étaient en compétition. Je dois aussi ajouter que je suis un piètre cinéphile. Mais au-delà du film, la question posée est bien celle de l'éducation scolaire de nos enfants (car tous les élèves sont un peu tous nos enfants après tout). Je vais résumer en une phrase : "Qu'est-ce que l'école doit apprendre aux enfants ?". Car on voit bien qu'il est difficile - pour ne pas dire après avoir vu le film impossible - de dispenser un savoir encyclopédique à ces élèves. En tant que défenseur d'une certaine forme d'excellence scolaire(1), je ne peux que le regretter. Car en effet, comme l'indique le professeur au début du film, l'accumulation des petites minutes perdues par-ci par-là creuse en fait le fossé entre les "bonnes" et les "mauvaises" classes. Je me dit qu'il doit décidément être bien compliqué d'être un bon élève dans ce collège, car la majorité des élèves est en rebellion contre le système scolaire. Je prend les exemples montrés dans le film : la non-concentration durant le cours, l'interpellation entre élèves, la contestation de ce qui est écrit (la scène des prénoms), ou pire la contestation de l'autorité d'enseigner ("Monsieur je ne veux pas lire"). Ces écoles vont devenir des trappes à élèves pauvres, entendez pauvres au sens culturel du terme. Il ne faut hélas pas s'étonner - non pas du mauvais niveau de ces élèves - mais encore une fois du fossé que l'on creuse avec les classes où tous les élèves écoutent et travaillent(2). On se dirige bel et bien sans le savoir vers une école à deux vitesses. Ce n'est peut-être pas ce que Laurent Cantet et François Bégaudeau ont voulu montrer, mais c'est ce que moi j'ai interprété à la projection de ce film.
(1) On a fait il y a peu la journée du refus de l'échec scolaire. Que ne fait-on pas aussi la journée de la promotion de l'excellence scolaire !
(2) Voyez la montée de l'allemand première langue au collège. Tokyo Hotel n'y est pour rien, c'est seulement qu'en choisissant cette option les parents sont ainsi certains de mettre leur enfant dans une bonne classe de l'école publique.
Complément du 8 Octobre
Je reviens en vitesse sur une image du film, qui participe de ma perception que l'école va vraiment mal. Vers la fin du film, le professeur de français finit par lâcher en conseil de classe qu'un de ses élèves est "limité scolairement". Et encore, prend il une précaution oratoire (de mémoire "je ne suis pas loin de penser qu'il est limité scolairement"). Ce terme a été déclencheur plus tard de la scène la plus violente du film. Pour les élèves ce terme est grave, en tout cas très grave. Il avait d'ailleurs été souligné par une des deux déléguées de classes durant le conseil. Ici ce qui moi m'a frappé, c'est que justement le professeur n'avait pas le droit de le dire. En tout cas on lui refuse ce droit. Il peut juger les élèves par rapport au travail scolaire qu'il donne (valeur relative), mais il n'est pas autorisé par les élèves à porter un jugement de fond, à dire la "valeur réelle" de l'élève ("cet élève est limité scolairement"). Le débat serait ici de savoir s'il est autorisé par la société, par le système éducatif en général à le dire. Ce jugement est-il innoportun ou un mal nécessaire (dans le sens de dire la vérité quel qu'en soit le prix) ? Je juge moi que c'est l'auto-censure de ne plus le dire qui fait le plus de mal à notre système scolaire d'aujourd'hui.
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