Le billet d'humeur de Julie Graziani* publié par Le Figaro a pour objet de fustiger la politique familiale de François Hollande en attaquant sa décision de renommer le ministère de la Famille (au singulier) en ministère des Familles (au pluriel). Hélas pour l'auteure son argumentation ne tient pas.
Julie Graziani n'hésite pas une seconde à parler de Novlangue** à propos de ce «Famille» transformé en «Familles». Et de s'indigner de cela : «L'emploi d'une majuscule dans les intitulés de nos ministères s'explique parce qu'il y fait référence à une notion générique, qui impose donc nécessairement le singulier ; conserver cette majuscule au pluriel n'a rigoureusement aucun sens (...)». Mais considérer cela revient à déconsidérer le gouvernement précédent, celui de François Fillon (et donc de Nicolas Sarkozy) puisqu'il y avait des intitulés avec une majuscule dans un mot pluriel. Le ministère en question était d'importance puisque numéro 2 dans la liste protocolaire. Il s'agissait de Jean-Louis Borloo et de son ministère dit «des Technologies vertes et les Négociations sur le climat», avec une majuscule à Technologies et une autre à Négociations. Double raison de s'en indigner donc d'après les critères de Julie Graziani.
Au paragraphe suivant l'auteure tente le raisonnement par l'absurde en étendant cette histoire de Familles à d'autres ministères. Et de prendre exemple sur celui de l'agriculture : «Faudra-t-il un ministère des Exploitations Agricoles, au motif de mieux valoriser la permaculture?». C'est hélas oublier que François Fillon - encore lui*** - a bel et bien donné un autre nom au ministère de l'agriculture justement. C'est ainsi que Bruno le Maire a été "Ministre de l'Alimentation et de l'Agriculture", Alimentation prenant la priorité. Je l'ai relevé à l'époque, je ne sais pas si Julie Graziani en avait fait autant.
Revenant sur un terrain où elle est plus à son aise, l'auteure revient pour finir sur le sujet «Famille» avec - ce coup-ci c'est sûr - un argument béton : «En l'espèce, il conviendrait de ne pas oublier que depuis l'adoption de la loi Taubira un nombre croissant d'enfants sont conçus par PMA ou GPA à seule fin d'être élevés par des couples de même sexe.»
Commençons par le commencement : la loi dite sur le mariage pour tous ne légalise en rien ni la PMA ni la GPA. Les opposants ont beau essayer de le faire croire, aucun texte n'a encore été voté sur ce sujet. Il est possible tout au plus de s'inquiéter que cela voit le jour à terme mais c'est tout. Sachez ensuite que la loi actuelle ne reconnaît la PMA que pour les seuls couples qui en ont médicalement besoin et que cela date de bien avant la loi Taubira. Il serait donc plus juste - je dirais volontiers plus honnête - de dire qu'aujourd'hui comme hier, un couple de même sexe voulant procréer un enfant n'a d'autre choix que l'illégalité. Je me permet aussi d'ajouter que nombre de couples hétérosexuels se tournent vers la PMA à l'étranger voire la GPA pour mettre en oeuvre leur désir d'enfant. En tout état de cause, Julie Graziani ne devrait que reprocher l'indécision du gouvernement actuel, qui sait souligner à quel point le recours à la GPA est illégal mais qui par une circulaire ministérielle admet qu'il faut inscrire à l'état civil les enfants qui en seraient issus.
La conclusion est redoutable, aucun argument avancé par Julie Graziani n'est recevable. Et si je devais moi aussi donner dans l'outrance j'irais jusqu'à dire que le Figaro a fait preuve au mieux de complaisance, au pire de complicité active en laissant publier un tel billet****.
* Porte-parole d'Ensemble pour le Bien Commun et membre de l'Avant-Garde ** La Novlangue est le langage utilisé dans «1984», roman de George Orwell. *** Rappelons en vitesse que c'est le premier ministre qui forme le gouvernement et non pas le président de la république. **** La rubrique Figarovox est ouverte «à tous». Cela nécessite que l'article soit soumis à autorisation avant sa publication.
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