Je suis contre le projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, et plus particulièrement contre son article 13. Je prend ici fait et cause pour l'opposition menée par le groupe socialiste à l'Assemblée Nationale, car ce texte ultra-technique pour le grand public cache bien son venin : le baillonnement de toute velléité à s'opposer. La goutte d'eau a été l'escamotage mardi soir du débat autour de ce fameux article 13. Pour celles et ceux qui n'ont pas tout suivi ou tout lu, voici mon résumé de l'affaire : Ce projet de loi organique visant à réduire à la portion congrue les possibilités de l'opposition à s'opposer, cette dernière se lance dans la "bataille des batailles", entre amendements, suspensions de séances et autres rappels au règlement. Pour avoir suivi de nombreuses heures durant le débat sur Internet, je peux en témoigner. Vendredi 16 au soir, premier gros couac avec l'escamotage de sous-amendements, venant après le refus par la Présidence de l'Assemblée d'examiner 1015 amendements avant même le début de l'examen du texte. Suspicions également envers ce mystérieux collaborateur venant filmer le début de la séance, et artifice sémantique du Président de la séance pour justifier cela ("Personne ne filme" en réponse à la question "Quelqu'un a t-il filmé ?"). Mystère à éclaircir autour du résultat du vote de certains amendements (de mémoire 58 voix contre, alors que 27 députés UMP et Nouveau Centre sont présents ; même avec un pouvoir par député, cela ne fait que 54, pas 58...). Surprise Lundi soir, où les députés UMP et Nouveau Centre sont en infériorité numérique, obligeant le Gouvernement à multiplier les procédures pour éviter tout vote : suspensions de séances, mise en réserve des amendements au lieu de les voter. Mais ce que j'ai retenu de tout ces débats, c'est que depuis le début de l'examen du texte l'opposition prévient :"Vous verrez ce que vous verrez lorsque nous examinerons l'article 13...". J'attendais donc de savoir quels étaient les arguments des uns et des autres. Hélas pour moi et pour le débat, le gouvernement a refusé l'obsctacle et réclamé un vote sans débat ou presque sur l'article 13...vous connaissez la suite.
On s'est focalisé tout dernièrement sur le "temps-guillotine", le fait de déterminer un temps maximum pour discuter d'un texte. Outre que cela peut être très variable selon les sujets, le danger à mes yeux de cet article 13 est ailleurs. Lisez-le avec moi :
"Article 13 Les règlements des assemblées peuvent, s’ils instituent une procédure impartissant des délais pour l’examen d’un texte, déterminer les conditions dans lesquelles les amendements déposés par les membres du Parlement peuvent être mis aux voix sans discussion."
Sans vouloir paraphraser le texte, il s'agit de mettre en place un mécanisme qui détermine les conditions dans lesquelles les amendements déposés par les membres du Parlement peuvent être mis aux voix sans discussion. Sans discussion, donc sans débat. C'est donc moins la possibilité de déposer des amendements que celle d'en débattre qui est en cause. A ce point de ma réflexion j'ai bien conscience des dérives ou de l'abus qui a été fait autour de la dépose d'amendements. Ma solution - toute personnelle - serait la suivante : Chaque député ne peut déposer qu'un maximum de deux amendements par texte, et prendre la parole pour les défendre durant 5 minutes à chaque fois. Les amendements doivent être défendus en séance par le député qui l'a rédigé, et aucun pouvoir ne peut être donné. De la même manière l'amendement est réputé individuel (fin de la mention "et x de ses collègues") ; bien entendu il ne peut plus être "repris".
Ma proposition résoud - du moins je le crois - les soucis des deux camps :
Réduction drastique du nombre d'amendements (237 députés hors ceux de l'UMP et du Nouveau Centre, cela fait un maximum théorique de 474 amendements contre tout texte du gouvernement actuel).
Par effet mécanique, réduction du temps passer à examiner la loi.
Conservation des "acquis" de l'opposition : possibilité laissée à chaque député de rédiger deux amendements, et de les défendre en séance(1).
Ce projet de loi organique reste dangereux pour notre démocratie, il ne faut pas avoir peur de le dire ou de l'écrire. La loi sera votée car telle est son destin, mais il reste deux possibilités de la voir (largement?) amendée : le Sénat - qui doit voter dans les mêmes termes que l'Assemblée Nationale - et le Conseil Consitutionnel qui pourra éventuellement modifier le texte. Attendons, mais quoi qu'en disent les députés UMP, on ne pourra pas leur dire "merci" plus tard d'avoir fait cette loi.
(1) Ceci pourrait être assimilé toutefois à de la régression, puisqu'à ce jour chaque député peut déposer un nombre illimité d'amendements.
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