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Au journal officiel, un jour.

Il est rare qu'une édition du Journal Officiel puisse être qualifiée d'intéressante à lire mais c'est pourtant le cas avec celle du 25 Juin 2020. Je peux ici en vouloir aux différents médias (journaux, télévisions, radio) dont aucun n'a de rubrique quotidienne pour en parler. Découvrez avec moi ce que ce J.O. contient.

Au point 1 se trouve la promulgation de la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet dite loi Avia. Vous avez sans doute vu ou lu que cette loi avait été largement censurée par le conseil constitutionnel. D'un point de vue formel les articles en question restent dans le texte quand bien même ils seraient vides. Mais c'est le point 2 que je veux mettre en avant puisqu'il est la décision in extenso du conseil constitutionnel. Pour celles et ceux qui veulent comprendre pourquoi tant de dispositions ont été retoqué c'est là une lecture instructive au possible. Ce qui est souvent reproché au législateur dans ce texte c'est d'avoir "porté à la liberté d’expression et de communication une atteinte qui n’est pas adaptée, nécessaire et proportionnée au but poursuivi.". Les plus habiles déduiront qu'il suffira de tenir compte de cela pour présenter une nouvelle loi qui, ironie, sera la même puisque le conseil constitutionnel n'a pas abrogé le texte mais censuré le contenu de certains articles. Autrement dit il suffira au législateur de combler les trous si vous me permettez cette expression.

Le point 4 est aussi d'importance puisqu'il crée par décret (donc sans débat parlementaire) "un traitement de données à caractère personnel dénommé «dossier pénal numérique».". Il ne s'agit rien de moins que dématérialiser toute la procédure judiciaire avec comme objectif "de mener à bien la mission d’intérêt public qu’est de rendre la justice ". Il faut ici aller directement au point 101 lire l'avis de la CNIL qui, s'il est en accord sur le principe, émet toutefois plusieurs réserves et invite le ministère de la justice à modifier son décret. En tout état de cause ce sujet mérite qu'on s'y attarde. Je n'hésite pas à dire que nous avons ici un cas emblématique de la non-lecture du Journal Officiel. Qu'une "affaire" éclate et vous trouverez vite quelque personnalité pour parler d'écriture en catimini, de décret publié en secret. Non, jamais rien de ce qui est publié au Journal Officiel ne l'est en catimini ou en secret. Par contre presque tout de ce qui est publié au Journal Officiel l'est dans l'indifférence générale. Là est la nuance.

Revenons aux textes à présent. Nous trouvons ensuite un point 18 relatif "au débat public dans le cadre de la préparation de la cinquième édition du plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs". Ce point est loin d'être anodin car il concerne un sujet controversé. Là aussi cela mériterait une forme de publicité allant au-delà de la simple publication au journal officiel.

S'il est seulement technique le point 26 se doit d'être signalé puisqu'ici l'état participe à hauteur de 17 millions d'euros à l'augmentation de capital de France Télévisions. Certes la somme n'est pas conséquente si on la regarde à l'aune du budget général de notre pays mais le symbole reste : l'état remet de l'argent au pot de l'audiovisuel public et c'est cela l'information qui compte. Mais où ailleurs qu'ici l'avez-vous lu ?

Autre point qui aurait dû attirer l'attention des médias, le point 98. Il est là aussi question du conseil constitutionnel (Cf point 2) puisque ce dernier rend une décision à propos du RIP, le referendum d'initiative parlementaire. C'est aujourd'hui l'équivalent législatif le plus proche du RIC - referendum d'initiative citoyenne - que défendent quelques partis et mouvements politiques. Une lecture attentive de cette décision est éclairante à tout point de vue et le retour d'expérience tend à montrer que si sur le papier le RIC est séduisant, sa mise en oeuvre pratique donnera bien des désillusions à ses défenseurs. Dans ce point qui court sur 6 pages le conseil constitutionnel dresse un état des lieux sans concession et pointe des améliorations dont pourrait s'inspirer le législateur ou du moins quelque candidat à la prochaine élection présidentielle.

Enfin, et pour démontrer à quel point cette édition du 25 juin 2020 du journal officiel était riche d'information je veux parler du point 130. Dans ce point le Contrôleur général des lieux de privation de liberté donne un avis relatif à la défense dans les lieux de privation de liberté.

Pour celles et ceux qui comme moi ne connaissent la justice qu'au travers d'articles de presse voire de séries télévisées cette lecture est hautement instructive. Je vous invite à le lire dans son entier, et pour vous en convaincre je veux citer non pas des extraits du texte mais des extraits de l'addendum. Tout d'abord le Contrôleur général des lieux de privation de liberté s'en prend aux mesures d'urgences prises fin mars 2020 qui "ont sensiblement affecté les contentieux liés à l’enfermement et les droits de la défense et le droit au recours(...), dans une mesure qui excède les finalités légitimes qu’elles poursuivent". Et de préciser que "la circulaire du 26 mars 2020, a prolongé de plein droit les mandats de dépôt en cours dès lors qu’ils arrivaient à expiration" ou que "Les prolongations de garde-à-vue se font sans présentation au procureur de la République, y compris pour les mineurs de 16 ans". Pour conclure, le contrôleur général des lieux de privation de liberté n'hésite pas à écrire qu'"Un équilibre doit être maintenu entre les impératifs de santé publique et les droits fondamentaux".

Certes, toutes les éditions du journal officiel n'ont pas cette richesse, je vous le concède volontiers. Mais il n'en demeure pas moins que cette publication mériterait que l'on s'y attarde un peu chaque jour dès lors que l'on refuse d'être indifférent aux lois de notre pays.

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