L'appel de 20 scientifiques français à propos de l'usage du téléphone portable est un véritable pavé dans la mare, aux conséquences plus importantes que l'on pourrait croire au premier abord. Je ne parle pas ici des conséquences sanitaires - car après tout rien n'est (encore) démontré - mais des mesures que le "principe de précaution" pourrait obliger à prendre. Par exemple, dans sa recommandation numéro 3 le groupe demande à se trouver à plus d'un mètre de tout téléphone en conversation dans les bus, trains, métros. Ce n'est plus le tabagisme passif, mais le rayonnement passif ! Faudra t-il dès lors mettre en examen celles et ceux qui appellent pour "mise en danger de la vie d'autrui" ? Depuis la publication de ce texte, et en vertu du principe de précaution, la réponse ne peut être que "oui". Vous imaginez sans peine le bourbier scientifico-juridique vers lequel on se dirige... Autre recommandation maintenant : ces mêmes scientifiques demandent une limitation de l'usage du téléphone portable à des conversations qui ne dépassent pas 5 mn. Les opérateurs de téléphonie mobile devront-ils cesser de vendre des forfaits de plus de deux heures ? Couper de force les appels après 5 mn ? Doit-on là aussi attaquer dès maintenant pour "mise en danger de la vie d'autrui" ou encore pour "blessures par imprudence" ? Songez que dans l'affaire du sang contaminé, certaines associations voulaient envoyer Laurent Fabius aux assises pour "empoisonnement", autrement dit pour "assassinat"... Et dans le cas du téléphone portable et des enfants, que faire ? En faisant dans leur appel explicitement référence à l'amiante et au tabac, je trouve que ces scientifiques ont outrepassé leur fonction, parce qu'ils laissent clairement entendre que des mesures d'urgence seraient à prendre. Mais les mesures législatives prises ne relèveraient plus du "principe de précaution", mais du "principe de certitude". On dirait alors : "Vous voyez bien qu'il y a un danger, puisqu'il existe des lois pour s'en protéger...". Je suis du bout des lèvres pour le principe de précaution (comment perce t-on un métro dans Paris avec ce principe ?). Par contre je suis farouchement opposé à l'abus du principe de précaution. Ce cas précis illustre de manière emblématique combien la frontière entre les deux est ténue...
Alter Ego
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