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Alter Ego

Au ping-pong souffler n'est plus jouer.

Le championnat de France de tennis de table a repris cette semaine avec un nouveau règlement, crise sanitaire oblige : il n'est plus permis aux joueurs* de souffler sur la balle avant d'engager. Ce geste qui était anodin hier est aujourd'hui interdit, banni des gymnases.

Les implications de la mise en place de ce nouveau règlement sont plus terribles que ce que l'on pourrait imaginer à première vue. Si cela s'applique c'est que le joueur qui souffle sur la balle y dépose le virus* et qu'ensuite cela contaminera l'adversaire, l'arbitre et toute personne qui serait en contact avec la petite balle blanche. Notez ici que ce principe d'extrême prudence vient de ce que l'on considère chaque joueur arrivant devant la table comme potentiellement positif au coronavirus.

Sauf que cette logique - a priori de bon sens - revient à non pas dire que le joueur est potentiellement positif, il revient à le déclarer positif même s'il ne l'est pas ! Car s'il n'a plus le droit de souffler sur la balle c'est bien parce qu'il peut être positif sans le savoir, non ? Dès lors pourquoi interdire à un joueur qui lui serait réellement positif de jouer puisque ce règlement a été établi pour permettre à un joueur qui serait positif sans le savoir de jouer ? Ce n'est tout de même pas sur la connaissance de l'état de santé du joueur que doit se décider qui peut jouer et qui ne peut pas jouer. Enfonçons le clou : le doute quant à la contamination de la balle par le souffle du joueur doit profiter au virus ; quiconque affirmant que ce souffle ne crée de risque pour personne serait taxé d'imprudent au mieux, d'irresponsable au pire. Ainsi, faute de certitude scientifique sur le sujet il vaut mieux déclarer que oui, c'est possible : on peut transmettre le coronavirus juste en soufflant sur une balle de ping-pong. Pour contrer cette éventualité on a posé un interdit, l'interdiction de souffler***. Donc on peut autoriser un joueur positif à jouer, puisque tout souffle est interdit...

Ajoutons que la solution consistant à exiger dudit joueur un test négatif de moins de 72 heures à l'image des passagers des avions ne servirait à rien du tout. Car soit le test est négatif et le joueur peut continuer de souffler sur la balle avant d'engager, soit on considère que le joueur est peut-être positif en dépit du test négatif et donc avoir passé le test est inutile puisque cela n'y change rien.

Mais ce qui m'inquiète n'est pas cette évolution du règlement, aussi absurde soit-elle. Ce que je redoute c'est qu'elle survive à l'épidémie**** alors qu'elle ne devrait durer que ce que durent les crises sanitaires.

* Féminin implicite, comme à chaque fois sur ce blog

** Je n'emploie pas le conditionnel puisqu'il est certain que le joueur va contaminer la balle en soufflant. C'est la raison d'être de ce point de règlement.

*** Ce même nouveau règlement prévoit un protocole assez strict de nettoyage de la balle avant et après chaque partie. Convenez que cela ne change rien du tout à mon raisonnement.

**** "Maintenant qu'on a fait une réunion pour ajouter cette interdiction, on ne va pas en faire une autre pour la retirer..."

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